Nous vous remettrons un texte assez conséquent concernant l’ensemble des documents présentés aujourd’hui, je me limiterai donc à pointer quelques remarques relatives au schéma des formations en collèges et lycées.

Nous nous retrouvons pour une part dans les principes stratégiques énoncés par la Région île de France comme socle.

A la lecture du document collèges-lycées nous retrouvons beaucoup des idées que nous défendons, mais il nous semble que la base fondamentale d’avoir toujours pour l’éducation un cadrage national, doit être affirmé plus fort dans l’introduction. De même l’idée forte portée dans les mobilisations tant des jeunes que des personnels de l’éducation et des parents d’un « même droit à l’éducation, dans tous les quartiers, dans toutes les régions » doit également être portée et fortement mise en avant par l’exécutif régional.

La deuxième remarque que je souhaite faire est qu’il nous semble que les documents ne tiennent pas assez compte des contraintes de la vie réelle. Je m’explique à partir de quelques exemples.

La région dit vouloir « assumer pleinement l’exercice des compétences qui lui ont été transférées avec une volonté de voir progresser l’équité et la réussite ». Certes, mais il existe une limite objective à cette volonté qui est celle du budget régional. Prenons la question des personnels TOS : je rappelle notre opposition à leur transfert qui selon nous porte atteinte à l’unicité du service public d’éducation ; mais compte tenu du déficit important dans lequel l’Etat a laissé la situation il faudra de nombreuses années avant d’arriver, dans les établissements à une situation convenable et cela malgré vos efforts et notamment la stagiarisation de 276 contractuels en 2006 et le projet d’en stagiariser 300 pour cette année sur des postes d’adjoints techniques.

Par ailleurs nous demandons que ce processus de résorption de la précarité s’applique également aux contractuels administratifs du Conseil Régional.

Deuxième exemple : la Région s’attache « à la qualité de la vie scolaire », nous aussi. Mais comment faire avancer cette qualité alors que l’Education nationale a supprimé les étudiants surveillants et année après année les remplace par des personnels de plus en plus précaires qui ne constituent plus un exemple positif pour les élèves ?

De même, vous soutenez, à juste titre, « le développement des associations de lycéens et associations sportives ». Vous dites soutenir l’UNSS alors que le ministère vient, pour faire quelques économies, de supprimer un grand nombre de forfaits UNSS, suppression qui touche en premier lieu les quartiers défavorisés. Ce n’est pas un hasard, si le département de France le plus touché par ces suppressions est la Seine Saint-Denis.

Autre exemple, vous voulez que se mette en place un réseau de « développeurs de la réussite » visant à soutenir la démarche de la MGI, or dans les académies cette même mission qui pourtant affiche des résultats extrêmement positifs est purement et simplement liquidée et ses personnels remerciés faisant perdre dans le même temps à l’ensemble de l’éducation cette expertise en direction des élèves décrocheurs.

Nous soutenons votre objectif « de rendre la variété de l’offre de formation largement accessible à tous » mais cela nous semble en partie contradictoire avec les lycées des métiers qui globalisent sur un même lieu toutes les formations d’un seul secteur professionnel. Nous savons que les choix d’orientation des élèves dépendent pour beaucoup de ce qui leur est proposé dans leur secteur géographique, notamment pour les populations les plus défavorisées. Outre le coût des transports qui pourrait être réglé par des mesures d’aides spécifiques comme vous le proposez, il faut tenir compte du temps passé dans les transports qui peut être un handicap lourd quant à la réussite scolaire. Nous sommes donc favorables à une répartition équilibrée permettant de trouver l’ensemble des formations dans les différents territoires de la région.

Cela m’amène à parler de la carte scolaire. La réforme Fillon, lorsque celui-ci était ministre de l’éducation, prévoit une accentuation de l’autonomie des établissements, y compris sur les horaires et programmes. Les mesures annoncées par l’actuel ministre Xavier Darcos d’assouplissement pour cette année et de destruction dès 2008 de la carte scolaire doivent retenir l’attention de tous, y compris des élus régionaux. En effet déjà les meilleurs élèves de la petite couronne peuvent aller sans trop de difficulté à Paris ce qui dérègle la mixité de certains de nos établissements. Si le ministre arrive à mettre en oeuvre son projet, ce sont des dizaines d’établissements dont la ghettoïsation risque de s’accentuer et qui vont devenir de véritables bombes à retardement dans nos banlieues. Il nous semble nécessaire que l’exécutif régional s’exprime sur cette question. En ce qui nous concerne, nous pensons qu’il est absolument nécessaire de maintenir, voire renforcer la carte scolaire en réduisant au minimum les dérogations et en donnant à tous, partout la possibilité de suivre les études de leur choix.

Nous avons donc le sentiment qu’un nombre non négligeable des objectifs mis en avant dans ce schéma vont se heurter à la réalité de la politique gouvernementale en matière d’éducation et risquent de rester lettre morte. En ce qui nous concerne nous ferons tout pour remettre en cause cette politique et nous n’hésiterons pas à demander le soutien de la région.

Quelques autres remarques :

Dans l’introduction vous dites soutenir « la fonction éducatrice et socialisatrice de l’école ». C’est certes un objectif que nous partageons mais pour nous il est insuffisant. On ne peut séparer cette fonction de la fonction éducative et formatrice de l’école. En effet ne pas parler de formation permet d’esquiver la question de la lutte dans l’école et par l’école contre l’échec scolaire. Nous précisons cela parce que vous mettez en avant le secteur associatif pour l’aide aux devoirs et l’accompagnement à la scolarité. Nous disons attention aux dérives, l’échec scolaire est important dans notre région, inégalement réparti, il est nécessaire de s’y attaquer résolument mais tout ce qui est scolaire doit rester de la responsabilité de l’école. Vous parlez de la mise en place d’une commission d’habilitation des associations mais une telle commission paritaire existe déjà au niveau des académies, pourquoi créer autre chose ?

Nous soutenons l’axe de développement de la citoyenneté et nous estimons que cela ne doit pas se limiter aux seuls délégués mais être proposé à tous les lycéens pour développer comme vous le dites, l’apprentissage d’une citoyenneté active chez les jeunes lycéens. Cette citoyenneté doit inclure le droit de contester les décisions, voire de manifester mais se heurte la encore à la réalité forte de ces dernières années, c’est-à-dire la répression disproportionnée qui a frappé les lycéens s’opposant notamment à la loi Fillon ou au CPE.

Vous voulez constituer un observatoire de la réussite. C’est une bonne idée mais les Rectorats sont tenus, dans le cadre de la LOLF de communiquer des indicateurs, comparés avec les indicateurs nationaux, pour l’établissement de leurs projets annuels de performances académiques. Ils sont parfois difficiles à obtenir mais doivent participer d’une vision régionale qui nécessite que les personnels et leurs organisations soient associés.

Un des moyens avancés par le document pour lutter contre les inégalités est la distribution à chaque élève d’une clé USB. Cela ne nous semble pas être un investissement pertinent. En effet force est de constater que dans les milieux les plus défavorisés, la fracture numérique qu’un président de la république avait soulignée en son temps n’est pas encore réduite et dans un même établissement, selon les sections l’écart entre possesseur ou non d’ordinateurs domestiques peut-être très important. Par ailleurs beaucoup d’établissements ont condamné les prises USB de leurs ordinateurs pour éviter justement les contaminations virales ; sans parler des effectifs de classes, de moins en moins dédoublés et donc permettant de moins en moins de se rendre dans les salles informatiques. Cette mesure louable dans l’esprit risque dont de se retourner contre l’intérêt des élèves c’est à dire créer plus d’inégalité.

Pour terminer, deux dispositions pour lesquelles nous contestons votre analyse :

L’orientation scolaire est évoquée uniquement sous l’angle de l’insertion. Tout le travail que font les conseillers d’orientation psychologues autour de l’échec scolaire est totalement évacué. L’existence même des CIO est contournée. Or les CIO n’ont pas seulement en charge l’information comme les structures dépendant de la jeunesse et des sports, ils ont également par l’intervention des conseillers d’orientation- psychologues un rôle dans l’aide à l’adaptation, le suivi des élèves, la contribution à leur réussite et l’aide à la construction progressive de leur personnalité et de leur avenir.

Nous ne pouvons qu’être en désaccord avec des formulations telles que « les services d’orientation peinent à se structurer » sauf si en parlant de service d’orientation vous entendez guichet unique. Et là nous ne pouvons accepter l’amalgame entre les structures s’occupant de l’emploi et de l’aide à l’insertion et le réseau des CIO de l’éducation nationale. Les problématiques sont différentes, les âges et besoins sont différents, les démarches et les outils sont différents. Il faut donc selon nous maintenir la spécificité du réseau Education Nationale qui est très structuré, avec un maillage serré et donc très accessible. C’est pourquoi nous partageons l’opposition résolue des conseillers d’Orientation psychologues au guichet unique, qui mélangent des problématiques qui n’ont rien à voir.

Notre deuxième point d’achoppement est bien évidemment l’apprentissage et M. Brunel n’a répondu à nos inquiétudes. La Région ne pose plus la question du développement de l’apprentissage en terme de lutte contre les sorties sans qualification mais en terme de poursuite d’études et d’insertion professionnelle. Dans cette optique, nous nous interrogeons sur le principe de complémentarité qui risque de basculer vers la concurrence dans la mesure où l’on s’adresse au même public. Nous craignons, car nous avons déjà des exemples, que la mise en place des formations en apprentissage soit l’occasion de fermer ou de ne pas créer des formations en LP. Dans ce cas nous n’aurions qu’un simple transfert d’élèves d’une structure à une autre qui ne permettra pas d’atteindre l’objectif d’éviter les sorties sans qualification et d’élever le nombre de qualifiés. Pour nous, l’apprentissage ne peut être une priorité en soi mais un moyen supplémentaire à offrir aux jeunes pour accéder à la qualification quel que soit le niveau y compris au niveau V. Notre attachement au développement du secteur de la formation professionnelle au sein du service public d’éducation que nous rappelons aujourd’hui ne relève pas d’un positionnement idéologique mais parce que de nombreuses études montrent la qualité des formations dispensées au sein des LP et à public comparable le haut niveau de compétences générales et professionnelles atteint par les lycéens.

Enfin un mot sur la scolarisation des élèves porteurs de handicaps. Nous partageons les objectifs en terme d’accueil des jeunes en situation de handicap, d’équipements nécessaires à programmer et de formations professionnelles à proposer. Cependant cette position humaniste et juste se heurte là aussi à une réalité assez dure. Cette loi est appliquée sans réels moyens supplémentaires notamment en ce qui concerne les effectifs de classe. Elle repose sur la bonne volonté, voire la culpabilisation des enseignants ; les AVS ne sont pas partout recrutés et parfois ne sont pas formés. Pour le moment on ne peut pas dire que la mise en oeuvre de cette loi démontre un accroissement qualitatif de la scolarisation des jeunes. La FSU souhaite, en tout cas, pouvoir participer aux réflexions qui doivent s’ouvrir sur cette question pour l’élaboration de la charte régionale.

Pour conclure je dirai que pour la FSU un schéma régional de la formation en collège et en lycée n’a de sens que dans le cadre d’un service public national d’Education et de Formation professionnelle, où l’Etat garde toute ses prérogatives et ses responsabilités, mais c’est un service public qui doit connaître de profondes transformations.

Vous aurez compris que notre appréciation est nuancée après avoir constaté qu’un certain nombre des préoccupations que nous avions défendues dans la phase préparatoire avaient été entendues. D’un coté nous apprécions la volonté d’élever le niveau de qualification des jeunes franciliens et de combattre les inégalités ; nous pensons qu’un certain nombre de propositions permettent d’aller vers cet objectif. De l’autre, nous considérons que la région a une vision unilatérale de l’apprentissage qui la pousse à le développer à tout prix. Cela entraîne d’ailleurs quelques contradictions entre le document « lycées et collèges » et le document PRDFP et nous souhaitons un vote dissocié sur chacune des parties du document.