Le scandale des subventions aux établissements scolaires privés en Île-de-France
Les collectivités territoriales ont la possibilité de subventionner les établissements privés sous contrat sur leur territoire (les collèges pour les départements, les lycées pour la Région Ile-de-France) mais elles n’ont aucune obligation de le faire et certaines collectivités territoriales ne le font pas (les départements de Paris et de Seine-Saint-Denis notamment) d’autres engagent des dépenses considérables : la région Ile-de-France (5,8 millions pour cette année) et le département des Yvelines (2,6 millions en 2022) plus particulièrement.
Cette possibilité est l’application d’une loi qui date d’il y a pratiquement deux siècles : la loi Falloux de 1850. Ces subventions ne peuvent pas, légalement, dépasser 10% des dépenses annuelles de l’établissement privé en revanche elles deviennent vite astronomiques : par exemple, un million d’euros pour le lycée privé Sainte Geneviève (Ginette) de Versailles de la part de la région Ile-de-France (ce qui veut aussi dire que le budget de fonctionnement de ce même lycée est d’au moins dix millions d’euros !!!). Cette subvention exceptionnelle (trois fois le budget moyen de fonctionnement d’un lycée public…) n’est, encore une fois, en rien une obligation légale de la région contrairement au forfait d’externat. Elle est destinée à financer une opération de rénovation et va donc très concrètement enrichir une association cultuelle catholique avec l’argent du contribuable… De fait, cela améliore le bâti et donc la valeur du bien ainsi que le prestige de lycées qui sont aussi des « usines à cash ». Tout en permettant de ne pas augmenter des frais d’inscription souvent astronomiques pour des familles rarement à la peine… jusqu’à 19 481 € / an pour Ginette soit plus que le salaire annuel net d’un.e agent.e ou d’un.e enseignant.e stagiaire…
Ces lycées privés qui ont le bon goût de sélectionner leurs élèves par des frais de scolarité « hors-sol » de plusieurs milliers d’euros par an, tous ces lycées prestigieux avec des élèves de milieu ultra favorisé n’hésitent pas à tendre la sébile et à récolter l’argent public donc nos impôts… Et le lycée Ginette n’est pas le seul établissement concerné, l’École alsacienne (plutôt connue pour accueillir des enfants d’ambassadeurs ou de ministres que des élèves de l’éducation prioritaire), Sévigné, Stanislas (500.000 euros cette année) et bien d’autres n’ont aucun scrupule et reviennent frapper à la porte chaque année, cerise sur le gâteau certains établissements qui savent y faire obtiennent des subventions et du département et de la Région… !!! Tout ça pour former la future élite de la France qui viendra expliquer dans quelques années que l’État coûte trop cher et qu’il faut réduire les dépenses publiques, supprimer des postes d’enseignant.es ou des lits d’hôpitaux…
Ces subventions sont d’autant plus scandaleuses que les lycées privés permettent aux familles les plus favorisées de ne pas mélanger leurs chérubins avec des élèves de milieux sociaux défavorisés et cela en profitant de l’argent public. C’est ce qu’a bien pointé le tout récent rapport de la Cour des comptes : 10 milliards versés par l’État et les collectivités territoriales avec un contrôle quasi inexistant pour des établissements à 96% catholiques, et un « net recul » de la mixité sociale au sein de ces établissements depuis 20 ans !
Un dernier élément particulièrement frappant : les écarts entre les départements. Si l’on prend la région Ile-de-France, elle va subventionner 15 fois plus les lycées privés des Yvelines (1,6 millions d’euros) que ceux du Val d’Oise (112.000 euros)… Le Val d’Oise a un taux de pauvreté quasiment double des Yvelines et un revenu médian 18% inférieur…(source INSEE).
Donner plus d’argent aux populations les plus favorisées, c’est d’époque…